
La cessation d’activité d’une entreprise est une situation délicate qui soulève de nombreuses inquiétudes pour les employés. Face à la perte de leur emploi, ces derniers bénéficient heureusement d’un cadre juridique protecteur en France. Quelles sont les garanties prévues par la loi ? Quelles démarches entreprendre ? Comment faire valoir ses droits ? Cet article fait le point sur les dispositifs existants pour accompagner les salariés dans cette période difficile et leur permettre de rebondir professionnellement.
Le cadre légal de la cessation d’activité
La cessation d’activité d’une entreprise est encadrée par des dispositions légales précises visant à protéger les intérêts des salariés. Plusieurs situations peuvent conduire à l’arrêt de l’activité :
- La liquidation judiciaire prononcée par un tribunal de commerce
- La fermeture volontaire décidée par les dirigeants
- La cession ou le rachat de l’entreprise entraînant sa disparition
Dans tous les cas, l’employeur est tenu de respecter une procédure spécifique. Il doit notamment informer et consulter les représentants du personnel (comité social et économique) sur le projet de fermeture et ses conséquences. Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) doit être mis en place si l’entreprise compte plus de 50 salariés et prévoit au moins 10 licenciements sur 30 jours.
Le PSE vise à limiter le nombre de licenciements et à faciliter le reclassement des salariés. Il peut prévoir diverses mesures comme des formations, une aide à la création d’entreprise ou des indemnités supra-légales. Son contenu est négocié avec les syndicats ou, à défaut, élaboré unilatéralement par l’employeur. Il doit être validé par la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) avant sa mise en œuvre.
En l’absence de PSE, l’employeur reste tenu à une obligation individuelle de reclassement pour chaque salarié. Il doit rechercher toutes les possibilités de reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe avant d’envisager un licenciement.
Les droits des salariés en matière de rémunération
La fermeture de l’entreprise ne dispense pas l’employeur de ses obligations en matière de rémunération. Les salariés ont droit au paiement :
- Des salaires dus jusqu’à la date de rupture du contrat
- Des congés payés acquis et non pris
- Des éventuelles primes ou 13ème mois prévus par le contrat ou la convention collective
En cas de liquidation judiciaire, ces créances salariales sont considérées comme privilégiées. Elles sont payées en priorité sur les actifs de l’entreprise, avant les autres créanciers. Si l’entreprise n’a pas les fonds suffisants, l’AGS (Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés) intervient pour garantir le paiement des sommes dues.
L’AGS couvre :
- Les salaires des 60 derniers jours de travail
- Les indemnités de préavis et de licenciement
- Les indemnités de congés payés
Le plafond de garantie est fixé à 6 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 21 996 € en 2023. Au-delà, les salariés deviennent créanciers de l’entreprise pour le surplus.
Il est recommandé aux salariés de vérifier attentivement leurs bulletins de paie et de signaler rapidement toute anomalie au mandataire judiciaire en charge de la liquidation. Ils peuvent se faire assister par les représentants du personnel ou un avocat spécialisé pour faire valoir leurs droits.
L’indemnisation du licenciement économique
La cessation d’activité de l’entreprise entraîne généralement le licenciement pour motif économique des salariés. Ce type de licenciement ouvre droit à des indemnités spécifiques :
- L’indemnité légale de licenciement
- L’indemnité compensatrice de préavis si le préavis n’est pas effectué
- Une éventuelle indemnité conventionnelle prévue par la convention collective
- Les indemnités supra-légales négociées dans le cadre du PSE
L’indemnité légale de licenciement est calculée en fonction de l’ancienneté du salarié et de sa rémunération. Elle est égale à :
- 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les 10 premières années
- 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté à partir de la 11ème année
Certaines conventions collectives prévoient des indemnités plus favorables qui se substituent alors à l’indemnité légale.
L’indemnité compensatrice de préavis correspond à la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait effectué son préavis. Sa durée varie selon l’ancienneté et la catégorie professionnelle du salarié.
Les salariés licenciés pour motif économique bénéficient également de mesures d’accompagnement pour favoriser leur retour à l’emploi :
- Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) pour les entreprises de moins de 1000 salariés
- Le congé de reclassement pour les entreprises d’au moins 1000 salariés
Ces dispositifs permettent aux salariés de bénéficier d’un accompagnement personnalisé et d’actions de formation tout en percevant une allocation spécifique.
La protection sociale des salariés licenciés
Les salariés licenciés suite à la fermeture de leur entreprise conservent certains droits en matière de protection sociale :
Assurance chômage : Ils peuvent prétendre aux allocations chômage s’ils remplissent les conditions d’affiliation. La durée d’indemnisation varie selon l’âge et la durée de cotisation, avec un maximum de 24 mois (36 mois pour les plus de 55 ans). Le montant de l’allocation est calculé sur la base du salaire de référence des 12 derniers mois.
Couverture santé : La complémentaire santé d’entreprise est maintenue gratuitement pendant la période de chômage, pour une durée maximale de 12 mois. Ce dispositif, appelé portabilité des droits, s’applique automatiquement sauf en cas de faute lourde.
Retraite : Les périodes de chômage indemnisé sont prises en compte pour le calcul des droits à la retraite. Des trimestres sont validés en fonction de la durée d’indemnisation.
Prévoyance : Comme pour la complémentaire santé, les garanties prévoyance (décès, invalidité) sont maintenues gratuitement pendant 12 mois maximum.
Il est recommandé aux salariés de conserver précieusement tous les documents remis par l’employeur (certificat de travail, attestation Pôle Emploi, solde de tout compte) qui seront nécessaires pour faire valoir leurs droits.
Les recours possibles en cas de litige
Malgré le cadre légal protecteur, des litiges peuvent survenir lors de la cessation d’activité d’une entreprise. Les salariés disposent alors de plusieurs voies de recours :
Saisine du Conseil de Prud’hommes : C’est la juridiction compétente pour traiter les litiges individuels entre employeurs et salariés. Le salarié peut contester son licenciement ou réclamer le paiement de sommes dues. Le délai de prescription est généralement de 2 ans à compter de la rupture du contrat.
Action en référé : En cas d’urgence, le salarié peut saisir le juge des référés du Conseil de Prud’hommes pour obtenir rapidement le paiement de sommes non contestées (salaires impayés par exemple).
Intervention de l’inspection du travail : Les agents de l’inspection du travail peuvent être sollicités pour contrôler le respect de la procédure de licenciement et des obligations de l’employeur.
Recours administratif : La décision de validation ou d’homologation du PSE par la DREETS peut être contestée devant le tribunal administratif dans un délai de 2 mois.
Action pénale : En cas d’infractions graves (travail dissimulé, abus de biens sociaux), une plainte peut être déposée auprès du procureur de la République.
Il est vivement conseillé aux salariés de se faire assister par un avocat spécialisé en droit du travail ou de solliciter l’aide d’un syndicat pour mener ces démarches qui peuvent s’avérer complexes.
Les délais de prescription étant relativement courts, il est préférable d’agir rapidement dès que le litige apparaît.
Rebondir après la fermeture : les opportunités de reconversion
La cessation d’activité de l’entreprise, si elle constitue une épreuve difficile, peut aussi être l’occasion d’une reconversion professionnelle. Plusieurs dispositifs existent pour accompagner les salariés dans cette démarche :
Bilan de compétences : Financé par le CPF (Compte Personnel de Formation), il permet d’analyser ses compétences et motivations pour définir un projet professionnel.
Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) : Elle permet d’obtenir une certification professionnelle en valorisant son expérience.
Formation professionnelle : Le CPF peut être mobilisé pour financer une formation qualifiante. Des aides complémentaires existent pour les demandeurs d’emploi.
Création ou reprise d’entreprise : Les salariés licenciés peuvent bénéficier de l’ARCE (Aide à la Reprise ou à la Création d’Entreprise) versée par Pôle Emploi. Elle correspond à 45% du montant des allocations chômage restant dues.
Les cellules de reclassement mises en place dans le cadre du PSE peuvent également apporter un soutien précieux dans ces démarches.
Il est recommandé aux salariés d’anticiper leur reconversion dès l’annonce de la fermeture, sans attendre la fin de leur contrat. Cela permet de mettre à profit le préavis ou le congé de reclassement pour avancer sur son projet.
La mobilisation de son réseau professionnel et la veille sur les opportunités d’emploi dans son secteur ou sa région sont également des atouts pour rebondir rapidement.
Bien que traumatisante, la fermeture de l’entreprise peut ainsi devenir le point de départ d’une nouvelle dynamique professionnelle pour les salariés qui sauront saisir les opportunités offertes.